AEN Infos 2005 N° 23.1

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Prospection et prix de l’uranium

R. Price*

Depuis le milieu des années 80, la production primaire d'uranium est inférieure aux quantités nécessaires pour faire fonctionner les réacteurs, et l'on a donc dû faire appel aux sources secondaires pour combler la différence. En 2002, la production mondiale d'uranium n'a assuré que 54 % des besoins des réacteurs.Cette dépendance vis-à-vis des sources secondaires devrait se prolonger dans l'avenir proche. À plus long terme, par contre,il faudra augmenter la production primaire.

L'abondance des sources secondaires s'est soldée notamment par une baisse du prix de l'uranium sur le marché qui dure depuis plusieurs décennies. À leur tour, ces faibles prix ont sonné le ralentissement des programmes de prospection et conduit de nombreux producteurs d'uranium à se regrouper, à cesser leurs activités ou à fermer leurs centres de production. C'est pourquoi, sur toute cette période, les activités de prospection étaient très limitées et essentiellement orientées vers le développement.

Pourtant après 2020, lorsque les sources secondaires se raré- fieront selon toute probabilité, la production primaire devra progressivement prendre le relais pour satisfaire les besoins des réacteurs. Il faudra alors développer fortement cette capacité de production et donc, dans une première étape, lancer des travaux de prospection pour élargir la base de ressources indispensable. Or, le faible prix de l'uranium est l'un des obstacles au lancement de nouvelles activités de prospection.

Pourtant, depuis quelques années, on assiste à une remontée significative du prix de l'uranium sur le marché. Depuis le début de 2001, par exemple, alors qu'il avait sombré à son niveau du début des années 70, le prix de l'uranium est reparti à la hausse ; il avait presque doublé en juillet 2004.[1]

Prospection mondiale et prix de l'uranium en USD de 2003 (1970-2002)

Malgré l'importance relative de cette progression, la hausse du prix reste assez modeste à ce stade, comparée aux sommets historiques atteints dans les années 70 sans parler de l'envolée, de courte durée, qui a marqué le milieu des années 90, et cela d'autant plus si l'on considère les prix en termes constants (voir Figure 1).

Cette hausse des prix sur le marché provoquera-t-elle l'intensification de la prospection nécessaire pour développer la capacité de production ? Pour répondre à cette question, il a été procédé à une analyse des statistiques recueillies au cours des 40 dernières années afin de déterminer si la prospection réagirait à cette reprise des prix et à quelle échéance.

Les statistiques sur la prospection de l'uranium ont été tirées de la série des publications de l'OCDE/AEN intitulées Uranium : ressources, production et demande (publication connue sous le nom de Livre rouge). Elles correspondent aux dépenses totales consacrées à la prospection dans un pays donné, que l'origine des dépenses ait été nationale ou étrangère. Les statistiques sur le prix de l'uranium proviennent de NUEXCO/TradeTech et correspondent à la moyenne annuelle des prix spot sur le marché libre à la fin du mois, hors primes.2

La Figure 1 révèle une éventuelle corrélation entre le prix et les activités de prospection de l'uranium et laisse entrevoir un délai entre l'évolution du prix de l'uranium et une variation des dépenses de prospection. S'agissant des dépenses mondiales, la meilleure corrélation correspond à un délai d'un an (voir Figure 2).

Dépenses mondiales de prospection en fonction des prix de l'uranium (USD 2003, 1970-2002)

Le fait que la corrélation soit meilleure lorsque l'on introduit un délai correspond logiquement au temps nécessaire pour que la variation du prix de l'uranium soit ressentie par les organes de décision dans les entreprises de prospection, ainsi qu'au temps nécessaire au lancement d'études sur le terrain, une fois la décision prise. Ces résultats suggèrent que la prospection constitue un secteur concurrentiel et ouvert de l'industrie de l'uranium, qui est sensible au prix de cette matière première et très réactif aux signaux du marché.

Les résultats de l'analyse montrent qu'une hausse de prix, même relativement faible, entraîne une augmentation des dépenses de prospection. Nous ne disposons pas encore des statistiques concernant les dépenses de prospection en 2004 qui permettraient de véri- fier si la prospection suit, comme prévu, les hausses de prix, mais la presse contient des indications indirectes, empiriques, d'une reprise des activités de prospection en Australie, au Canada et aux États-Unis, ce qui laisse augurer une tendance à la hausse dans les prochaines statistiques.

On a également procédé à une analyse des statistiques concernant les sondages de surface, une mesure plus directe de l'intensité des activités de prospection, pour déterminer si l'on obtiendrait ainsi un meilleur outil de prévision. On possède suffisamment de statistiques sur les sondages de surface pour l'Australie, le Canada et les États-Unis pendant la période 1975-2002. Toutefois, le graphique ainsi obtenu confirme les résultats de la Figure 2 sans apporter d'amélioration par rapport à cette dernière.

Sachant que la production primaire devra satisfaire une proportion croissante des besoins des réacteurs dans les années qui viennent, il faudra découvrir suffisamment de nouveaux gisements pour pouvoir développer les capacités de production à mesure que s'épuiseront les sources secondaires. En d'autres termes, la prospection devra s'intensifier si l'on veut disposer de la base de ressources nécessaire au développement de la capacité de production. L'analyse des statistiques montre que les hausses des prix de l'uranium ont, par le passé, entraîné une intensification des activités de prospection. On est donc en droit de penser que les récentes hausses des prix amorceront la relance de la prospection indispensable pour développer la capacité de production de l'uranium.

Notes

1. TradeTec, LLC (tiré de www.uranium.info/index.html).

2. Dans les dépenses totales de prospection on inclut les dépenses de prospection et de développement. La prospection recouvre toutes les formes d'investigations : sondages de surface ou souterrains, les diagraphies, l'exploitation pilote, et la recherche de nouveaux gisements ou l'extension de gisements connus. Avant 1989, ces données mondiales ne concernaient pas les pays de l'ex-Union soviétique ni certains pays non occidentaux, par exemple la Chine et la Mongolie, ce qui signifie qu'elles ne représentaient qu'un échantillon de l'activité mondiale et non l'intégralité de la population des pays producteurs. Le taux d'inflation utilisé pour convertir les dollars de 2003 était l'indice des prix à la production. Les valeurs historiques de cet indice ont été tirées du site http://www.jsc.nasa.gov/bu2/inflation/ppi/inflatePPI.html.

 

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NEA Uranium Group

* M. Robert Rush Price (robert-rush.price@oecd.org) travaille dans la Division du développement nucléaire de l’AEN.